La ville lumière
Je la trouve sombre
Un peu acajou
Et le jour aussi
Je le trouve sombre
Et en plus de sombre
Disons plutôt gris
Et la vie aussi
Et le temps qui passe
Et le temps qui reste
C’est vraiment chiant
Cette obscurité
Qui envahit la ville
Même à Belleville
Le ciel est tout bas
Et à Montparnasse
Je t’en parle pas
Et à La Chapelle
C’est du gris sur gris
Alors chaque nuit
Je sors et je traîne
Je vois la lumière
Vaciller sur l’eau
Du canal de l’Ourcq
Et puis dans la Seine
Près de Saint Michel
Où il y a eu des morts
D’après ce qu’on dit
Des hommes noyés
Au milieu des cris
« Vive l’Algérie »
Ou dans le silence
Qui règne de nuit
Je la vois luire
L’étrange lumière
On dirait parfois
Comme des bougies
Tellement il y en a
Tellement elles vacillent
Tellement elles tremblotent
Petites loupiotes
Dans l’obscurité
Et je suis les quais
Je vais vers Jussieu
Là-bas sous les ponts
Des hommes roupillent
Ce sont des Indiens
D’un monde ancien
Ce sont les nouveaux
Indiens de ce monde
Il y a un mec
Qui fait du café
Sur un grand réchaud
Vétuste et rouillé
Je vois la lumière
Bleue de sa misère
J’écris mon slam
Un peu comme on pleure
Je rentre chez moi
Par un boulevard
Et je vois une fille
Vêtue de cristal
Ou à poil vraiment
Vêtue de son corps
Un corps vraiment beau
Et au Jardin de Plantes
On saute les grilles
Pour pouvoir s’aimer